Cette exposition ressemblait à une arnaque : quelques très grandes toiles quasiment sans légendes, réparties en trois immenses salles, une archive vidéo de l’INA présentant le peintre parcourant un couloir jusqu’à une toile blanche. C’était au Musée d’Art Moderne fin 2018. J’en suis sortie déçue. Et avec moi ceux qui l’avaient vue. Pourtant, ces toiles sont restées dans ma mémoire. Aussi, alors que les musées sont encore fermés, je vous propose un aperçu tardif de l’œuvre de Zao Wou-Ki, ce peintre chinois né à Pékin en 1920, naturalisé français par André Malraux, mort à Noyon en 2013.
De Shanghai à Paris
Zao Wou-Ki, dont le prénom Wou-Ki veut dire « sans limite », arrive
en France en 1948 alors qu’il n’a que 28 ans. En Chine, son grand-père l’initie à la calligraphie en lui faisant peindre des idéogrammes sur céramique. Une forme de peinture qu’il abandonne rapidement, ne se trouvant aucun don pour ce support. Son père, banquier, croit en son talent, et après lui avoir permis de suivre des cours à l’école des Beaux-Arts à Shanghai, le laisse partir pour Paris où Zao Wou-Ki veut se mettre à la suite de Monet, Cézanne, Matisse ou Paul Klee, dont l’influence sera déterminante, qu’il découvre à travers des cartes postales qu’un oncle lui rapporte de voyage. Alors qu’il débarque en France, sa peinture, encore figurative, est déjà marquée par l’occident.
Zao Wou-Ki, dont le prénom Wou-Ki veut dire « sans limite », arrive en France alors qu’il n’a que 28 ans. En Chine, son grand-père l’initie à la calligraphie en lui faisant peindre des idéogrammes sur céramique. Une forme de peinture qu’il abandonne rapidement, ne se trouvant aucun don pour ce support. Son père, banquier, croit en son talent, et après lui avoir permis de suivre des cours à l’école des Beaux-Arts à Shanghai, le laisse partir pour Paris où Zao Wou-Ki veut se mettre à la suite de Monet, Cézanne, Matisse ou Paul Klee, dont l’influence sera déterminante, qu’il découvre à travers des cartes postales qu’un oncle lui rapporte de voyage. En arrivant en France, sa peinture, encore figurative, est déjà marquée par l’occident.
A Montparnasse, il rencontre les maîtres de l’abstraction : Pierre Soulage, mais aussi Miro, Leger. Il installe son atelier rue Jonquoy dans le 14e arrondissement, pas très loin de celui de Giacometti. Il croise de grands peintres américains, venus à Paris étudier les Nymphéas de Monet qui sont exposés à l’Orangerie. S’il se situe à la croisée des grandes influences picturales de l’Extrême-Orient, de l’Occident et bientôt de l’Amérique, Zao Wou-ki s’intéresse particulièrement à la poésie. Il devient l’ami notamment d’Henri Michaud, de René Char et aussi à la musique. En peignant, il écoute Bach, Bartók, Schonberg, pour une peinture souvent qualifiée de lyrique. Il explique lors d’une interview diffusée sur France Culture en 1986 : « J’ai été influencé par beaucoup de choses, alors il faut aller très loin, très loin pour retrouver toutes les sources les plus profondes et puis digérer petit à petit, et ça devient une écriture de soi-même ».

« Les toiles sont les journaux intimes des peintes », Zao Wou-ki
Au milieu des années 1950, il s’inscrit dans la mouvance des peintres abstraits de son époque. Traverser les apparences, une œuvre de 1956 qui témoigne de ses premiers pas dans l’abstraction, associe déjà ses influences dans un style personnel d’une grande fluidité. Si le réel disparaît, il reste sa source d’inspiration. Joies, peines, révoltes, désirs de paix s’impriment en résonance sur la toile.
Au commencement, des idéogrammes apparaissent encore comme Nous deux, cette toile qu’il réalise au moment de la séparation avec sa deuxième épouse. Cette influence, il la retrouvera tardivement, après un voyage en Chine qui inspirera la série des encres, dont je parlerai peu. Sans doute parce qu’elles m’ont moins intéressée.
Nous Deux – Zao Wou-Ki – 1957 ©fC Nous Deux (détail) – Zao Wou-Ki – ©fC
La question essentielle qui occupe le peintre est celle de l’espace intérieur et la peinture qu’il pratique est énigme, mystère. Elle ne raconte rien, mais elle s’impose comme puissance méditative. « Les gens croient que la peinture et l’écriture consistent à reproduire les formes et la ressemblance. Non, le pinceau sert à faire sortir les choses du chaos », explique Zao Wou-Ki. Des tâches, une harmonie, un geste qui prend sens, l’œuvre occupe l’espace dans son silence et ouvre à la contemplation. L’artiste cherche à convertir ce qu’il ressent en tableaux et ne cessera pas de remettre en question son travail en inventant son œuvre propre. Il s’agit de « peindre, peindre. Toujours Peindre. Encore peindre. Le mieux possible, le vide et le plein, le léger et le dense, le vivant et le souffle ».
Pour réaliser ces toiles immenses, certaines, notamment dans la série des encres, font plus de 4 mètres de hauteur, il peint au sol en tournant autour de la feuille ou bien il la suspend. Aussi, si les motifs sont dans les années 50 au centre de la toile, ils de déportent dans les angles au fur et à mesure des années pour laisser vide, ou plutôt libre, l’espace central.
A partir des années soixante, il ne donne plus de titre à ses œuvres mais les date du jour où elles sont achevées.
Hommages
Bon nombre de ses toiles sont des hommages. Hommages à Monet dans un triptyque très reconnaissable d’une des toiles de la série des Nymphéas avec une plongée sur l’eau scintillante, à Matisse avec sa propre version de la Fenêtre à Collioure. Mêmes couleurs, autre évocation pour deux maîtres qu’il révère particulièrement. Mais il rend aussi hommage aux personnes qu’il côtoie comme cette évocation de la musique d’Edgar Varèse (1964).

Pour magistrale et abstraite, sa peinture fourmille de détails. La richesse des tableaux magistraux tant au niveau des couleurs, que des traits qui s’entrelacent, se superposent, cherche une évocation du recueillement de l’âme, de la nature ; elle impose de s’assoir pour laisser imprimer en soi le détail, la forme, l’émotion contenue.
« Toute ma vie, j’ai essayé de peindre les nuages », raconte Zao Wou-ki. A nous de nous laisser prendre pas la main pour les contempler.

Photo tête d’article : Détail toile – Zao Wou-Ki – ©fC
Un peintre avec un nom étranger, et prénom « sans limite », choisissant la France, rendant hommage à Monet, Matisse, et cherchant toute sa vie à peindre les nuages: c’est un poète… On apprend qu’il avait son atelier rue Jonquoy comme Giacometti. C’est décidément une rue d’artistes!
Merci Marie-Anne!
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